Petit précis de géographie

Du haut des falaises du pays de Caux ou au cœur de l’immense baie du mont Saint-Michel, les paysages normands sont tout bonnement époustouflants. Ils se révèlent aussi mystérieux dans les marais brumeux de l’estuaire de la Seine ou plus sauvages dans les landes du Cotentin. Un territoire décidément remarquable que l’on vous décrypte en 9 mots savants.

Bocage

La campagne normande a souvent des airs de gigantesque patchwork. Ici ce ne sont pas les barbelés qui délimitent les champs, les prés et les vergers, mais des haies d’aubépines, de noisetiers et de châtaigniers, quelquefois plantées sur des talus. C’est cette organisation du territoire que l’on appelle bocage. Et elle a pas mal d’atouts : elle fournit du bois, protège du vent et sert d’abri aux animaux. Il y en aurait 130 000 km principalement dans l’Orne, la Manche et le Calvados. Et 130 000 km, c’est à peu près la distance qui nous sépare de la Louisiane !

L’astuce : Pour admirer ce paysage mosaïque, prenez de la hauteur. Pour l’explorer, empruntez l’un des chemins creux qui serpentent entre les talus.

Estran

C’est ainsi que l’on nomme la zone découverte par la mer à marée basse. Deux fois par jour, les plages de sable s’étendent à l’infini et les étendues rocheuses se mettent à grouiller d’un petit monde très varié. L’estran est particulièrement étendu dans la baie du mont Saint-Michel et sur la côte Ouest du Cotentin jusqu’à former des havres. Un phénomène qui s’explique par l’exceptionnelle amplitude des marées dans ce coin de Normandie, les plus grandes d’Europe.

Le lien : L’estran constitue une gigantesque source d’alimentation pour les oiseaux et un superbe terrain de promenade et bien sûr d’observation. Nos conseils dans le bestiaire normand.

Massif dunaire

C’est un paysage aussi mouvant que surprenant. Tout le long de la côte Ouest du Cotentin s’étendent des dunes bordées de plages immenses, couvertes de végétation. Certaines sont dites « perchées », car adossées à des falaises à plus de 110 m de haut. Le massif est entrecoupé huit fois par de gigantesques havres au bord desquels ont trouve des « mielles », mot d’origine norroise qui désigne des zones sableuses dans lesquelles l’homme a installé des cultures maraîchères, utilisant les algues et la tangue (voir plus bas) comme engrais naturels.

Au marché : Croquez dans une carotte des sables de Créances, à la saveur douce et sucrée, et seule carotte à bénéficier du label rouge !

Mascaret

Imaginez une vague de plus de 2 mètres de haut remontant la Seine à la vitesse d’un cheval au galop. À chaque grande marée, le flux marin pénétrait dans l’estuaire, se heurtait à celui du fleuve jusqu’à inverser le courant, au moins en surface. « La barre » faisait le spectacle, ameutait les foules. Depuis l’aménagement des rives, le phénomène s’est atténué mais on peut encore observer la vaguelette. Comme dans la baie du mont Saint-Michel, où le « flot » qui remonte les cours des fleuves côtiers annonce la montée des eaux.

Le conseil : Revivez le spectacle du mascaret en bord de Seine grâce à la borne de réalité virtuelle du MuséoSeine, à Caudebec-en-Caux.

Prés-salés

Ce sont des prairies recouvertes périodiquement par la marée haute. On les appelle aussi « herbus » en Normandie. Sans surprise, c’est dans la baie du mont Saint-Michel que se situe la plus vaste étendue de prés-salés. On en trouve aussi dans le Cotentin, au bord des havres, ces étonnants estuaires où se mêlent eau douce et eau salée. Ici pâturent les troupeaux de brebis et d’agneaux qui se régalent de plantes halophyles (qui aiment le sel).

Au marché : Si ce n’est pas encore fait, goûtez à la salicorne, crue en salade ou cuite comme des haricots. C’est d’ailleurs comme ça qu’on l’appelle par ici : haricot de mer.

Silex

Observez les hautes falaises de la côte d’Albâtre, vous distinguerez facilement des stries de pierres sombres coincées dans la muraille blanche. Ce sont des silex. Le reste n’est que de la craie. Et comme la craie est poreuse, elle se gorge d’eau à chaque pluie puis fond littéralement, laissant au fur et à mesure échapper les silex. Les vagues les transforment ensuite en galets, en quelques mois seulement.

La petite histoire : On ne trouve nulle part ailleurs autant de galets en silex d’une telle pureté. Avec les noirs, on a longtemps fait de la porcelaine anglaise, avec les gris du dentifrice et de la peinture, le reste était utilisé dans le bâtiment. Du XIXe siècle jusqu’à la fin des années 80, de nombreuses familles ont vécu du ramassage de galets.

Tangue

Encore un mot normand issu du vieux norrois, la langue des Vikings. La tangue désigne la boue visqueuse, mélange de sable, de débris de coquillages et de vase, qui recouvre les baies et les havres de la Manche à marée basse. On n’y tangue pas, mais on s’y englue rapidement. Les paysans l’ont longtemps utilisée, comme le varech, pour fertiliser leur sol. Aujourd’hui, elle sert surtout à recharger les pistes d’entrainement des chevaux.

L’astuce : Si vous faites la traversée de la baie du mont Saint-Michel, vous ne pourrez échapper à la tangue. Oubliez les bottes qui finiront automatiquement engluées et allez-y pieds nus !

Tourbière

Près de l’estuaire de la Seine, le marais Vernier abrite la plus grande tourbière de France. 1 800 hectares formés il y a des milliers d’années dans un ancien méandre du fleuve aujourd’hui asséché. La tourbe, exploitée par le passé pour le chauffage et comme engrais, est aujourd’hui préservée. Les tourbières ont en effet une propriété épatante, elles stockent le carbone deux fois plus que les forêts, contribuant à lutter contre le réchauffement climatique.

L’info : On trouve d’étranges bêtes dans la tourbière du marais Vernier. Des plantes carnivores capables d’attraper des libellules, des chevaux de Camargue et même des vaches écossaises.

Valleuse

Du Havre au Tréport, la côte n’est que falaise. Cent trente kilomètres d’une muraille blanche quasi continue, seulement entaillée de vallées et valleuses. La différence ? Une simple question de hauteur. Les vallées deviennent valleuses quand elles débouchent au-dessus du niveau de la mer. Pour atteindre le sol, des escaliers, rampes ou échelles ont été aménagés. De quoi transformer la descente d’une valleuse en vraie expérience.

L’info : Caractéristiques du pays de Caux, les valleuses ont été formées par des cours d’eau qui ont réussi à creuser leur lit dans ce formidable plateau calcaire, il y a plusieurs milliers d’années.

Ces descentes de valleuse ont titillé votre curiosité ? On vous conseille de préparer votre escapade le long de la côte d’Albâtre.