Toits de Normandie
Il est assez facile de dormir dans une carte postale en Normandie, tant elles sont nombreuses les longères à pans de bois, avec pommiers dans le jardin et vaches au loin. Dans les villes et villages, ces bâtisses prennent fièrement de la hauteur. Ailleurs elles se couvrent de chaume... À force de les admirer, on a fini par se poser toutes sortes de questions. Partageurs, on vous donne les réponses.
Pourquoi parle-t-on de colombage ?
C’est un dérivé du mot « colombe », pas l’oiseau mais la poutre, qui vient lui-même du latin « columna », la colonne. Le colombage est tout simplement l’ensemble des poutres qui forment la charpente.
Est-ce que ça date du Moyen Âge ?
Ça remonte à bien plus loin ! Les Romains utilisaient déjà cette technique pour construire certaines habitations. En Normandie, c’est surtout après la guerre de Cent Ans que le colombage se développe.
Quel est le principe ?
La maison à colombages est traditionnellement une bâtisse paysanne, facile et peu chère à construire. Chêne, paille, calcaire… tous les matériaux se trouvent dans les proches environs. Du 100% local ! L’ossature de la maison est en bois, le plus souvent du chêne, et visible de l’extérieur. Jusqu’au milieu du XVe siècle, on utilise des poutres épaisses qui vont du sol au toit mais il devient de plus en plus difficile d’en trouver. On préfère alors des poutres plus petites, de la hauteur d’un étage. Pour remplir l’ossature, les Normands se servent de torchis, c’est-à-dire un mélange de foin, d’argile et d’eau, ou de fines briques. Le tout est recouvert d’un enduit de chaux et de sable qui protège des incendies et qui donne cette couleur beurrée.
Pourquoi des fleurs sur les toits ?
À l’origine, le toit de ces maisons est en chaume. Là encore que du local, puisque c’est un mélange de roseaux ou de blé. Au sommet de ces épaisses couvertures, on aperçoit de temps en temps de jolies fleurs violettes. Ce sont des iris dont les rhizomes servent à bien maintenir les tiges et à enlever l’excès d’humidité. Extrêmement inflammables, ces toitures ont été peu à peu remplacées par des tuiles mais il subsiste encore en Normandie quelques belles chaumières principalement dans le marais Vernier, d’autres éparpillées ici et là.
C'est quoi l'encorbellement ?
La maison rurale, toute en longueur et de plain pied, prend de la hauteur en ville. Elle gagne quelques étages supplémentaires et s’élargit grâce à la technique de l’encorbellement. L’étage construit en surplomb de la rue permet alors d’agrandir la surface tout en ne payant pas plus de taxes, calculées d’après la superficie du rez-de-chaussée. Mais rapidement, les critiques se multiplient. Cela assombrit les ruelles, augmentent les risques d’incendie et même de propagation de la peste, l’air ne circulant pas assez. Rouen finira pas interdire cette architecture dès 1520. Il en reste malgré tout quelques exemples dans le centre-ville. Levez-le nez !
Rouen, vraiment championne ?
Et oui ! Avec 2 000 édifices à colombages, Rouen bat le record de France ! Et tenez-vous bien, 200 d’entre eux datent du Moyen Âge. Plus tristement, environ 700 autres ont été détruits par les bombardements de la Seconde guerre mondiale. Comment expliquer une telle concentration ? Rappelons déjà qu’à l’époque médiévale, Rouen était un grand port marchant, une ville prospère, et même la deuxième du royaume de France. Les forêts étaient nombreuses, les Rouennais pouvaient s’approvisionner facilement en bois. Et les fondations en pierre ou en silex de ces maisons protégeaient les poutres de l’humidité du sol, une raison de plus pour expliquer leur extrême longévité.
Où en voir ailleurs ?
Ces maisons quadrillées sont particulièrement nombreuses dans les environs de Rouen. On pense à Lyons-la-forêt dans le Vexin ou Le Bec-Hellouin dans le Roumois et bien sûr Honfleur ou Pont-l’Evêque dans le pays d’Auge. Plus on s’éloigne vers le nord, plus la brique et le silex s’imposent. À l’ouest, c’est le granit et la pierre de Caen qui remplacent le bois. La maison à colombage n’est pas pour autant une spécificité normande. On en trouve dans bien d’autres régions de France, avec des dessins géométriques plus ou moins alambiqués. L’Alsace et la Normandie se disputent depuis fort longtemps la médaille mais personne n’a eu véritablement le courage de les compter. Seule certitude, les pans de bois sont toujours ordonnés en biais en Alsace, afin de résister aux séismes, légers mais bien réels dans la région.